Le mobile to store, ou comment faire venir les passants en boutique.

oct 1 2014
Publié par Denis Tanneux

Comment attirer les consommateurs qui se trouvent à proximité d’un point de vente ? C’est l’un des enjeux de la géolocalisation des smartphones et du geofencing. Panorama des technologies existantes.

Pour augmenter l’affluence dans un point de vente, l’une des techniques traditionnelles consiste à distribuer des prospectus dans une zone autour de celui-ci. En version numérique, cela consiste à envoyer un SMS, afficher une publicité, ou envoyer un push sur le téléphone mobile des consommateurs, en leur proposant la plupart du temps une offre promotionnelle. On parle de campagnes « drive to store » qui ont pour objectif de ramener les clients en magasin, voire de « mobile to store » quand les terminaux mobiles sont au centre du dispositif. Plusieurs technologies se développent sur ce créneau.

Le nouveau burger de Quick est à découvrir à 300 m de votre position

Le geofencing consiste à définir une zone géographique et à détecter les personnes qui y entrent ou en sortent pour leur envoyer des SMS ou des notifications push. Les utilisateurs sont géolocalisés en utilisant des techniques de triangulation avec les antennes des opérateurs de téléphonie ou avec les box wifi.

« Les smartphones permettent de faire du geofencing avec une précision de 20 à 30 mètres », expliquait Julien Chamussy, co-fondateur d’Admoove, pendant la table ronde Mobile to store de l’association MMAF (Mobile marketing association France) lors du dernier salon E-Commerce de Paris. Une troisième technique de géolocalisation utilise le GPS. « La précision est alors très bonne, mais le GPS consomme beaucoup de batterie et il ne fonctionne pas en intérieur ou par temps couvert » regrette Julien Chamussy. Les réseaux d’opérateurs et le WiFi sont donc utilisés en priorité, surtout en milieu urbain.

Dans tous les cas, mieux vaut avoir recueilli le consentement préalable des consommateurs avant de leur pousser ces publicités géociblées ou géoadaptées, par exemple lors de l’installation d’une application mobile, mais pas seulement (voir en fin d’article le contexte juridique). SFR Régie, la régie marketing mobile de SFR, dispose ainsi d’une base de trois millions d’abonnés qui acceptent de recevoir des SMS en fonction de l’endroit où ils se trouvent.

« Nous pouvons envoyer des messages publicitaires différents selon la météo, de l’endroit où notre abonné se situe, ou selon les déstockages en cours dans les magasins à côté », avance Jean-Philippe Piau, directeur marketing de SFR Régie. Les campagnes peuvent aussi cibler des femmes habitant une certaine zone géographique, la sélection se faisanr alors selon leur code postal. Enfin, la déduplication de base est utilisée par les annonceurs qui cherchent à cibler uniquement leurs clients ou au contraire leurs prospects. « Nous gérons notre base de volontaires pour éviter la pression publicitaire et ne pas leur envoyer trois messages par jour », rassure Jean-Philippe Piau.

D’autres acteurs adaptent les publicités mobiles au contexte. C’est notamment le cas de Quick qui a déployé depuis un an « une campagne tactique pour promouvoir ses nouveaux produits dans les zones de chalandise des restaurants. L’objectif n’est pas de donner envie, ni de présenter le produit, mais de dire qu’il est disponible à côté de vous » explique Julien Chamussy, dont Admoove est partenaire de Quick.

La campagne mobile a été diffusée à 320 restaurants en France avec des rayons de diffusion variables en fonction de leur implantation. Le message est personnalisé avec l’indication de la distance jusqu’au point de vente le plus proche. Dans l’exemple ci-dessous, la publicité Quick sur Le Parisien précise que le burger à la sauce Vache qui rit est disponible au Quick de Gare de l’Est à 300 mètres de là où se trouve la personne.

« Le nom du restaurant et la distance sont incrustés dynamiquement dans la publicité. Admoove travaille aussi avec Allociné. Nous avons ajouté dans leur application mobile un bout de code de géolocalisation pour savoir où se trouve la personne à un instant T » décrit Julien Chamussy. Quick avec Admoove utilise aussi la fonctionnalité Passbook. Les bannières affichées dans les applications mobiles redirigent vers un Passbook qui contient des coupons de réduction. Une fois activé, une notification push est envoyée à chaque fois que l’utilisateur se trouve à proximité d’un restaurant pour lui rappeler qu’une promotion est en cours.

De son côté, Yves Rocher réalise du geofencing en Pologne avec des campagnes de couponing pour les utilisateurs de son application mobile. « Au final, 6,9 % des personnes qui ont reçu le push promotionnel l’ont utilisé en magasin, et le panier moyen a augmenté de 6 euros sur cette population » se félicite Patrycja Mothon, responsable digital et e-commerce d’Yves Rocher.

La détection via Bluetooth et applications mobiles avec les Beacons

Pour localiser plus précisément les utilisateurs à proximité ou dans un magasin, il est possible d’utiliser des systèmes appelés Beacons (ou balises). Ces émetteurs utilisent le Bluetooth low énergie des téléphones avec des applications mobiles pour localiser les consommateurs. Ils se nomment iBeacon chez Apple ou Le Pass+ chez Vente-privée.com. « Les applications mobiles écoutent le signal et savent comment interagir avec les tablettes ou les smartphones », précise Guillaume Borniche, responsable marketing mobile de Phoceis qui ajoute « le Beacon fonctionne selon deux modalités ». D’abord, le monitoring pour faire apparaître un push sur l’écran de verrouillage du téléphone quand l’application est fermée. Ensuite, le ranging pour afficher un pop-up au sein de l’application si elle est ouverte.

Accompagnée par Phoceis, l’enseigne de cosmétiques Yves Rocher vient de lancer un test avec cette technologie dans les magasins polonais les plus réceptifs au geofencing. « Notre but est d’améliorer la relation client et d’offrir du contenu supplémentaire en point de vente pour les rendre plus attractifs et plus innovants », explique Patrycja Mothon. Les clients seront accueillis dans les magasins avec des messages personnalisés.

Les Beacons sont contraignants puisqu’ils ne ciblent que les consommateurs qui ont installé l’application et activé les Bluetooth. Mais pour certains, ces contraintes ont du bon, « cela permet de s’adresser uniquement aux clients fidèles et de leur proposer des messages très ciblés », explique Patrycja Mothon.

Les boîtiers WiFi pour s’affranchir des applications

Certains dispositifs essaient quand même de s’affranchir des applications mobiles. C’est le cas de la Tapbox de Tapvalue lancé la semaine dernière. Installée dans un magasin, cette box détecte tous les passants qui ont activé le WiFi sur leur téléphone. Elle fournit des données statistiques de fréquenta-tion : le temps passé dans le point de vente, le nombre de clients qui sont déjà venus, le trafic aux heures où le magasin n’est pas ouvert. Et elle aide à reconstituer le parcours omnichannel du client via l’identifiant de son téléphone.

Même chose pour FidZup dont les boîtiers appelés Fidbox sont déjà utilisés à Marseille par Hammerson, un gestionnaire de centres commerciaux. « Les loyers de nos centres commerciaux varient en fonction de leur chiffre d’affaires. Nous avons donc tout intérêt à ce que les gens viennent souvent. Leur envoyer le bon message au bon endroit et au bon moment et un bon drive to store » explique Nicolas Jambin, responsable du digital Hammerson. L’objectif est de faire la promotion de l’application mobile du centre commercial de Marseille pour qu’elle soit téléchargée le plus possible.

Les 18 Fidbox du lieu captent les visiteurs qui ont activé le wifi sur leur téléphone. « Ensuite, nous récoltons et traitons les données pour optimiser l‘achat média » explique Anh-Vu Nguyen, cofondateur et directeur marketing de Fidzup. Autrement dit, des bannières s’affichent sur les téléphones des visiteurs pour les inciter à télécharger l’application. « Au final, le système donne une vision plus fine des clients, avec des données basées sur du comportemental plutôt que sur du déclaratif, et l’ensemble s’intègre aux outils BI (Business intelligence) de la société » estime Anh-Vu Nguyen.

Seul bémol, l’utilisateur doit nécessairement activer le wifi pour que cela fonctionne, ce qui n’est pas toujours le cas. « Dans la plupart des centres commerciaux la réception 3G n’est pas très bonne, mais les connexions wifi sont très bonnes, justifie Anh-Vu Nguyen qui ajoute. Les gens ont du wifi chez eux et au bureau, ils ne l’éteignent pas nécessairement entre les deux ».

L’option ultrasons pour localiser les visiteurs au mètre près

Pour localiser, les visiteurs au mètre près, la startup Step-in parie de son côté sur les ultrasons. Fondée en 2012, elle propose une application pour proposer des coupons de réduction en fonction du rayon dans lequel se trouve le client. Ce dernier reçoit des notifications quand il passe à côté du boîtier s’il a déjà ouvert l’application et son micro. Les ultrasons des systèmes Step-in sont captés par les microphones des téléphones des utilisateurs. Step-in n’est pas la seule dans ce créneau. En plus des boîtiers wifi Fidbox, Fidzup propose aussi une technologie basée sur les ultrasons, mais en les diffusant via les systèmes audio des magasins. Dans les deux cas, les utilisateurs doivent avoir installé au préalable l’application adéquate.

Le contexte juridique et les recommandations de la Cnil

Géolocaliser les consommateurs pour leur envoyer un message contextualisé oblige à prendre correctement en compte le côté juridique et notamment les recommandations de la Cnil sur le sujet. Dans le cas d’un traçage des clients à l’intérieur des magasins, les enseignes doivent soit supprimer les données émises par les téléphones mobiles quand les consommateurs quittent le point de vente, soit anonymiser les données.

Pour conserver les données non anonymisées, il faudra veiller à recueillir le consentement préalable des personnes par une action : par exemple accoler le téléphone mobile à un boîtier NFC. Le MMAF propose sur son site web en téléchargement gratuit une charte sur la publicité géoadaptée et les droits des personnes qui résume les bonnes pratiques à suivre en la matière.

 

Source : Marie Jung 01Business